Dans cet épisode, nous concluons l'intrigue des deux précédents, confirmant ainsi pour ceux qui en doutaient encore que la saison sera lente, très lente...
Centric Ana Lucia où nous voyons enfin pour de bon les tourments de la superbe mulâtresse... Je ne vais pas détailler l'intrigue tant de l'île que des flash-backs, sinon m'extasier de la parfaite résonnance des deux: chaque action de l'île est en droite ligne de celle de son passé de flic. On voit que, depuis quarante huit jours, sa fonction de chef solitaire l'a empêchée d'évoluer: elle est restée la flic tourmentée, au caractère archi-impulsif qui ne la met pas à l'abri des erreurs, erreurs qu'elle veut réparer seule, toute seule, éternellement seule...et qu'ainsi, comme le fait remarquer Sayïd (qui la cerne très vite et qui éprouve rapidement beaucoup de compassion pour elle), elle se perd corps et biens, cherchant sans cesse un échappatoire sans le trouver... De toute évidence avoir tué ce salaud qui lui avait pris son fœtus ne l'a pas apaisée comme elle l'espérait (elle ment encore en refusant d'assumer ce crime), et même si ainsi on comprend son amour et son attachement inconditionnel pour les enfants, son âme a été abîmée à-jamais (au lieu de quatre mois, elle aurait peut-être dû attendre...huit?..), sans que personne ne réussisse à faire quoi que ce soit...ou peut-être ne le veuille...
Car Ana Lucia est un personnage construit sur une apparence très trompeuse: elle donne l'apparence d'une agressivité et d'une sûreté d'elle totale, avec un caractère fort et déterminé...mais lorsqu'on voit que sa mère est flic et également sa supérieure, la tableau se trouble un peu... Et c'est là que se trouve l'explication profonde des tourments de ce personnage: encore et toujours la famille, en l'occurrence sa mère, dont elle essaie désespérément de sortir de l'ombre pour lui prouver (et également se prouver à elle-même) qu'elle vaut quelque-chose en tant que personne, et non en tant que "fille de" (beaucoup de ses actions les moins "grandes" viennent de ce besoin)... Mme Cortez (une beauté celle-là aussi, soit dit en passant...) a un comportement étrange, peu clair, et surtout totalement inadapté envers sa fille. Entendons-nous: "inadapté" ne doit pas être pris séparément de "envers sa fille", c'est à dire cette fille-là: Ana Lucia. Car mme Cortez aime manifestement son enfant: elle n'est pas le monstre ignoble que beaucoup d'autres rescapés ont eu (on remarquera d'ailleurs qu'on ne sait rien du père d'Ana Lucia...), mais elle est à la fois trop protectrice dans son attitude professionnelle (comme elle aurait dû accepter de la muter! comme la pauvre Ana en aurait été soulagée!..), et beaucoup trop froide dans son attitude personnelle. Une boule de nerf comme Ana Lucia _ comme Eko l'a montré physiquement lors du précédent épisode _, ça a besoin d'être "cocooné", rassuré, aimé, consolé, et
jamais ça ne doit se sentir jugé, comme elle a tout le temps eu la sensation de l'être au cours de sa vie (à tort ou à raison...souvent à raison...). En cela mme Cortez est passée totalement à-côté de sa fille et en a été, en toute innocence, le bourreau objectif...
Du côté des autres personnages, Sayïd fait montre d'intelligence et d'une grandeur d'âme absolument merveilleuse, grandeur qui trouve un écho dans celles de Michael et de Jin (même si pour le premier une phrase résonnera avec une tragique amertume quelques épisodes plus tard...): il trouve un miroir inattendu dans la détresse de la mulâtresse, miroir qui déclenchera une des plus profondes et des plus émouvantes conversation de toute la série, et il renonce rapidement à se venger, donc à se tromper d'ennemi.
On notera aussi à ce moment-là un Thanatos terrible chez Ana Lucia...et une attitude de la part du groupe des Taillies certes compréhensible et justifiable mais d'une ingratitude telle que je les ai trouvé méprisables au plus haut point: Ana Lucia, de par sa fonction de chef, a servi de "paravent" à toutes leurs tares (la palme revenant à Libby lorsqu'elle lui fait porter l'intégralité du chapeau sur "l'affaire Nathan" en oubliant soigneusement son propre rôle dans l'affaire!..): elle a tout assumé, elle a tout porté, elle a tout subi, et au moment où elle aurait besoin d'être soutenue ils l'abandonnent, parce qu'ils n'ont plus besoin d'elle. Pauvre femme, décidément!..
Le seul qui lui reste fidèle et qui échappe conséquemment à mon courroux est Eko. Son attitude presque "passive" est ici formidablement à-propos: il laisse le temps passer, assez pour que la colère de Jack s'apaise un peu, et il répète sans faiblir que la mort de Shannon était un accident. Bravo, monsieur (et profitez-en parce que ce personnage, d'ordinaire, je ne peux pas le sentir
...)!.. On le voit aussi déjà très intrigué par le bunker et on sent qu'il va se passer quelque-chose entre lui et ce lieu (info ou intox? avec lui tout est souvent mystérieux et temporaire...).
Dans cet épisode nous avons également le plaisir et l'apaisement de retrouver la plage: les bêtises de Hurley et Charlie, les retrouvailles de Rose et Bernard (attendues depuis quelques épisodes maintenant...), Kate aussi qui retrouve et qui soigne Sawyer alors qu'elle se rapprochait "dangereusement" de Jack, et ce après avoir fait montre d'un incroyable talent de golfeuse (Jack qui fait son prof avec cet air-là...sûr que c'état destiné à foirer...
). Et bien évidemment les premières retrouvailles de Jin et Sun, toutes de passion, d'émotion, d'amour: de tout ce qui fait qu'on adore ce couple (l'arrivée derrière les buissons, pas la première ni la dernière mais toujours aussi agréable à voir [parfois je suis un gros sentimental à deux balles, m'en veuillez pas...]).
Jack enfin: après le gag du début il redevient le toubib et le chef réactif qu'on connaît: sa colère est légitime dans sa position (Shannon morte, Sayïd prisonnier, Sawyer blessé: avouez qu'il y a de quoi s'énerver...), mais dans cet épisode il est capable d'avoir de l'humour (lorsqu'il chambre Kate sur la technique "murmures à l'oreille du patient") qui lui permet de prendre une certaine distance sur la chose (d'un autre côté il est amoureux de Kate mais il aime beaucoup "frérot" Sawyer: ici ça l'apaise...dans la saison suivante ça...mais n'anticipons pas...), et surtout il se calme vite dès qu'il entend le nom "Ana Lucia": il semble que pour la première fois Jack manifeste _ inconsciemment encore mais il la manifeste... _ une certaine croyance au destin...
La dernière scène est absolument magnifique: Jack et Ana Lucia, les deux chefs, se font face: le toubib a ce sourire à la fois ironique et triste montrant une profonde compassion pour la mulâtresse qui, encore sous le choc de la lumière apportée par le pardon de Sayïd, voit une nouvelle grandeur et un
autre ami potentiel en moins de cinq minutes: perdue mais éblouie,
elle baisse les yeux acceptant de se laisser guider: le premier pas vers la rédemption est fait. Quelle image!!.